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NOTICE.

pour ce qui concerne la province de Normandie et ses illustres, » nous fait connaître son nom réel.

Dans l’article consacré à notre poëte, on trouve au milieu de beaucoup de redites le passage suivant : « Sans la demoiselle Milet, très-jolie Rouennaise, Corneille peut-être n’eût pas sitôt connu l’amour ; sans cette héroïne aussi, peut-être la France n’eût jamais connu le talent de Corneille. » Puis vient l’anecdote racontée par Fontenelle, après quoi Guiot reprend : « Le plaisir de cette aventure détermina Corneille à faire la comédie de Mélite, anagramme du nom de sa maîtresse. »

« J’ajouterai, dit M. Emmanuel Gaillard, dans ses Nouveaux détails sur Pierre Corneille publiés en 1834, qu’elle demeurait à Rouen, rue aux Juifs, n° 15. Le fait m’a été attesté par M. Dommey, ancien greffier. »

À ma prière, M. Francis Wadington a bien voulu examiner les registres de la paroisse Saint-Lô, dont dépendait autrefois cette rue, afin de tâcher d’y découvrir quelque acte relatif à Mlle Milet ; malheureusement la recherche a été vaine, ce qui du reste peut fort bien s’expliquer par le grand nombre de lacunes que les registres présentent : on n’y trouve ni l’année 1601, ni les années 1604-1608 et 1621-1666 ; il faut donc renoncer à ce moyen d’investigation et ne plus espérer qu’en quelque heureux hasard.

Malgré l’intérêt que nous inspire Mlle Milet, nous sommes forcé d’avouer qu’elle a une rivale, rivale obstinée, qui lui dispute encore, à l’heure qu’il est, le cœur du grand Corneille. Voici la note que l’abbé Granet a mise au bas du passage de l’Excuse à Ariste que nous avons transcrit en commençant :

« Il avoit aimé très-passionément une dame de Rouen, nommée Mme du Pont, femme d’un maître des comptes de la même ville, parfaitement belle. Il l’avoit connue toute petite fille pendant qu’il étudioit à Rouen au collège des Jésuites, et fit pour elle plusieurs petites pièces de galanterie, qu’il n’a jamais voulu rendre publiques, quelques instances que lui aient faites ses amis ; il les brûla lui-même environ deux ans avant sa mort. Il lui communiquoit la plupart de ses pièces avant de les mettre au jour, et comme elle avoit beaucoup d’esprit, elle les critiquoit fort judicieusement, de sorte que M. Corneille a