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MÉLITE.

contiennent un éloge de Corneille, où cette anecdote est déjà indiquée en ces termes : « Il ne songeoit à rien moins qu’à la poésie, et il ignoroit lui-même le talent extraordinaire qu’il y avoit, lorsqu’il lui arriva une petite aventure de galanterie dont il s’avisa de faire une pièce de théâtre en ajoutant quelque chose à la vérité. »

Un peu plus tard, en 1708, Thomas, son frère, s’exprime ainsi, dans son Dictionnaire géographique, au mot Rouen : « Une aventure galante lui fit prendre le dessein de faire une comédie pour y employer un sonnet qu’il avoit fait pour une demoiselle qu’il aimoit. »

Nous arrivons enfin au récit le plus détaillé et le plus généralement répandu ; nous le trouvons dans une vie de Corneille, destinée par Fontenelle à faire partie d’une Histoire du théâtre françois, et composée par lui dans sa jeunesse, mais publiée pour la première fois en 1729 par d’Olivet, à la suite de l’Histoire de l’Académie de Pellisson : « Un jeune homme de ses amis, amoureux d’une demoiselle de la même ville (de Rouen), le mena chez elle. Le nouveau venu se rendit plus agréable que l’introducteur. Le plaisir de cette aventure excita dans M. Corneille un talent qu’il ne se connoissoit pas, et sur ce léger sujet il fit la comédie de Mélite. » En publiant lui-même, en 1742, son Histoire du théâtre françois, Fontenelle ajouta : « La demoiselle… porta longtemps dans Rouen le nom de Mélite, nom glorieux pour elle, et qui l’associoit à toutes les louanges que reçut son amant, »

Dans un manuscrit de 1720, intitulé Athenæ Normannorum veteres ac recentes, seu syllabus auctorum qui oriundi e Normannia, conservé à la Bibliothèque de Caen sous le n° 55, et dont je dois la connaissance à M. Eugène Chatel, archiviste du Calvados, on lit l’article suivant sur Mélite : « Melita, nomen fœminae cujusdam nobilis rothomageæ. »

L’existence de Mélite paraît, on le voit, constatée par un grand nombre de témoignages ; seulement jusqu’ici nous ne la connaissons que sous son « nom de Parnasse, » suivant une jolie expression de la Fontaine. Un autre manuscrit de la Bibliothèque de Caen, portant le n° 57, « Le Moréri des Normands, en deux tomes, par Joseph-André Guiot de Rouen, Supplément au dictionnaire de Moréri, édition en X volumes,