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NOTICE.

J’ai brûlé fort longtemps d’une amour assez grande,
Et que jusqu’au tombeau je dois bien estimer,
Puisque ce fut par là que j’appris à rimer.
Mon bonheur commença quand mon âme fut prise,
Je gagnai de la gloire en perdant ma franchise ;
Charmé de deux beaux yeux, mon vers charma la cours,
Et ce que j’ai de nom je le dois à l’amour.

Si l’on rapproche de ces vers de l’Excuse à Ariste le passage suivant de l’examen de Mélite, où Corneille dit en parlant du succès de sa pièce. « Il égala tout ce qui s’étoit fait de plus beau jusqu’alors et me fît connoitre à la cour ; » il devient très-vraisemblable, par le propre témoignage du poëte, que son premier amour lui inspira sa première comédie.

Suivant une anecdote fort connue, qui s’est enrichie de détails plus précis et de circonstances plus nombreuses à mesure qu’on s’est éloigné davantage de l’époque à laquelle elle semble appartenir, non-seulement Mélite serait due à l’influence de l’amante de Corneille, mais elle renfermerait le récit exact de sa passion et deviendrait de la sorte un précieux élément de sa biographie.

Dans l’impossibilité où nous sommes de distinguer ici le vrai du faux, nous nous contenterons d’exposer au lecteur la manière dont s’est formée cette gracieuse tradition ; il s’aventurera ensuite plus ou moins loin, selon sa témérité personnelle, sur la foi des guides que nous lui indiquons sans oser lui garantir toujours leur exactitude.

Les Nouvelles de la république des lettres de janvier 1685[1]

  1. Article x, p. 89.