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DISCOURS

spectateur, que ce qu’on fait représenter devant lui en deux heures se pût passer en effet en deux heures, et que ce qu’on lui fait voir sur un théâtre qui ne change point, pût s’arrêter dans une chambre ou dans une salle, suivant le choix qu’on en auroit fait ; mais souvent cela est si malaisé, pour ne pas dire impossible[1], qu’il faut de nécessité trouver quelque élargissement pour le lieu, comme pour le temps. Je l’ai fait voir exact dans Horace, dans Polyeucte et dans Pompée ; mais il faut pour cela ou n’introduire qu’une femme, comme dans Polyeucte, ou que les deux qu’on introduit ayent tant d’amitié l’une pour l’autre, et des intérêts si conjoints, qu’elles puissent être toujours ensemble, comme dans l’Horace, ou qu’il leur puisse arriver comme dans Pompée, où l’empressement de la curiosité naturelle fait sortir de leurs appartements Cléopatre au second acte, et Cornélie au cinquième, pour aller jusque dans la grande salle du palais du Roi au-devant des nouvelles qu’elles attendent. Il n’en va pas de même dans Rodogune : Cléopatre et elle ont des intérêts trop divers pour expliquer leurs plus secrètes pensées en même lieu. Je pourrois en dire ce que j’ai dit de Cinna, où en général tout se passe dans Rome, et en particulier moitié dans le cabinet d’Auguste, et moitié chez Émilie. Suivant cet ordre, le premier acte de cette tragédie seroit dans l’antichambre de Rodogune, le second dans la chambre de Cléopatre, le troisième dans celle de Rodogune ; mais si le quatrième peut commencer chez cette princesse, il n’y peut achever, et ce que Cléopatre y dit à ses deux fils l’un après l’autre y seroit mal placé. Le cinquième a besoin d’une salle d’audience où un grand

    rante-sept, cinq heures du matin précisément, pour arriver aux dits lieux en deux jours.

  1. Var. (édit. de 1660-1668) : pour ne dire impossible.