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DES TROIS UNITÉS.

d’un traité de paix entre leurs couronnes ennemies, pour une entière réconciliation de deux rivales par un mariage, et pour l’éclaircissement d’un secret de plus de vingt ans, touchant le droit d’aînesse entre deux princes gémeaux dont dépend le royaume, et le succès de leur amour. Celui d’Andromède et de Don Sanche ne sont pas de moindre considération ; mais comme je le viens de dire[1], les occasions ne s’en offrent pas souvent ; et dans le reste de mes ouvrages, je n’ai pu choisir des jours remarquables que par ce que le hasard y fait arriver, et non pas par l’emploi où l’ordre public les aye destinés de longue main.

Quant à l’unité de lieu, je n’en trouve aucun précepte ni dans Aristote ni dans Horace. C’est ce qui porte quelques-uns à croire que la règle ne s’en est établie qu’en conséquence de l’unité de jour[2], et à se persuader ensuite qu’on le peut étendre jusques où un homme peut aller et revenir en vingt-quatre heures. Cette opinion est un peu licencieuse ; et si l’on faisoit aller un acteur en poste, les deux côtés du théâtre pourroient représenter Paris et Rouen[3]. Je souhaiterois, pour ne point gêner du tout le

  1. Var. (édit. de 1660-1668) : Mais comme je viens de dire.
  2. Nous avons adopté la leçon des éditions de 1660–1668 ; elle nous paraît préférable à celle de l’édition de 1682, où on lit : « l’unité du jour. »
  3. Corneille a bien fait de supposer que l’acteur va en poste, car, en employant les moyens de transport habituels, il lui aurait alors fallu quatre jours pour aller et venir. C’est ce que prouve le passage suivant d’un placard publié par M. Ph. Salmon dans les Archives du bibliophile du libraire Claudin (8e année, 1860, no 33, p.  357) :
    « De par le Roi,
    « On fait à savoir que les coches et carrosses de Paris à Rouen, et de Rouen à Paris, logent présentement à la rue Saint-Denis devant l’Hôtel Saint-Chaumont où pend pour enseigne l’image sainte Marguerite ; et à Rouen à la Truie qui file rue Martainville. Et commenceront les premiers départs le vingt-troisième mars mil six cent qua-