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DES TROIS UNITÉS.

ordinaire. Sénèque lui en donne une par ce vers, que Médée dit à sa nourrice :

Tuum quoque ipsa corpus hinc mecum aveham[1] ;


et moi, par celui-ci qu’elle dit à Égée :

Je vous suivrai demain par un chemin nouveau[2].


Ainsi la condamnation d’Euripide, qui ne s’y est servi d’aucune précaution, peut être juste, et ne retomber ni sur Sénèque, ni sur moi ; et je n’ai point besoin de contredire Aristote pour me justifier sur cet article.

De l’action je passe aux actes, qui en doivent contenir chacun une portion, mais non pas si égale qu’on n’en réserve plus pour le dernier que pour les autres, et qu’on n’en puisse moins donner au premier qu’aux autres. On peut même ne faire autre chose dans ce premier que[3] peindre les mœurs des personnages, et marquer à quel point ils en sont de l’histoire qu’on va représenter[4]. Aristote n’en prescrit point le nombre ; Horace le borne à cinq ; et bien qu’il défende d’y en mettre moins[5], les Espagnols s’opiniâtrent à l’arrêter à trois, et les Italiens font souvent la même chose. Les Grecs les distinguoient par le chant du chœur, et comme je trouve lieu de croire qu’en quelques-uns de leurs poëmes ils le faisoient chanter plus de quatre fois, je ne voudrois pas répondre qu’ils ne les poussassent jamais au delà de cinq. Cette

  1. Vers 974.
  2. Vers 1279.
  3. Var. (édit. de 1660-1664) : On peut même n’y faire autre chose que, etc.
  4. Var. (édit. de 1660 et de 1663) : Qu’on va représenter et qui a quelquefois commencé longtemps auparavant.
  5. Neve minor, neu sit quinto productior acta
    Fabula

    (Horace, Art poétique, v. 189, 190.)