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Tout ce que la fable nous dit de ses Dieux et de ses métamorphoses est encore impossible, et ne laisse pas d’être croyable par l’opinion commune, et par cette vieille traditive qui nous a accoutumés à en ouïr parler. Nous avons droit d’inventer même sur ce modèle, et de joindre des incidents également impossibles à ceux que ces anciennes erreurs nous prêtent. L’auditeur n’est point trompé de son attente, quand le titre du poème le prépare à n’y voir rien que d’impossible en effet : il y trouve tout croyable ; et cette première supposition faite qu’il est des Dieux, et qu’ils prennent intérêt et font commerce avec les hommes, à quoi il vient tout résolu, il n’a aucune difficulté à se persuader du reste.

Après avoir tâché d’éclaircir ce que c’est que le vraisemblable, il est temps que je hasarde une définition du nécessaire dont Aristote parle tant, et qui seul nous peut autoriser à changer l’histoire et à nous écarter de la vraisemblance. Je dis donc que le nécessaire, en ce qui regarde la poésie, n’est autre chose que le besoin du poète pour arriver à son but ou pour y faire arriver ses acteurs. Cette définition a son fondement sur les diverses acceptions du mot grec <img src="01310541.gif" /> , qui ne signifie pas toujours ce qui est absolument nécessaire, mais aussi quelquefois ce qui est seulement utile à parvenir à quelque chose.

Le but des acteurs est divers, selon les divers desseins que la variété des sujets leur donne. Un amant a celui de posséder sa maîtresse ; un ambitieux, de s’emparer d’une couronne ; un homme offensé, de se venger ; et ainsi des autres. Les choses qu’ils ont besoin de faire pour y arriver constituent ce nécessaire, qu’il faut préférer au vraisemblable, ou pour parler plus juste, qu’il faut ajouter