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Aristote semble plus indulgent sur cet article, puisqu’il trouve le poète excusable quand il pèche contre un autre art que le sien, comme contre la médecine ou contre l’astrologie. A quoi je réponds qu’il ne l’excuse que sous cette condition qu’il arrive par là au but de son art, auquel il n’aurait pu arriver autrement ; encore avoue-t-il qu’il pèche en ce cas, et qu’il est meilleur de ne pécher point du tout. Pour moi, s’il faut recevoir cette excuse, je ferais distinction entre les arts qu’il peut ignorer sans honte, parce qu’il lui arrive rarement des occasions d’en parler sur son théâtre, tels que sont la médecine et l’astrologie, que je viens de nommer, et les arts sans la connaissance desquels, ou en tout ou en partie, il ne saurait établir de justesse dans aucune pièce, tels que sont la géographie et la chronologie. Comme il ne saurait représenter aucune action sans la placer en quelque lieu et en quelque temps, il est inexcusable s’il fait paraître de l’ignorance dans le choix de ce lieu et de ce temps où il la place.

Je viens à l’autre division du vraisemblable en ordinaire et extraordinaire : l’ordinaire est une action qui arrive plus souvent, ou du moins aussi souvent que sa contraire ; l’extraordinaire est une action qui arrive, à la vérité, moins souvent que sa contraire, mais qui ne laisse pas d’avoir sa possibilité assez aisée pour n’aller point jusqu’au miracle, ni jusqu’à ces événements singuliers qui