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et à plus forte raison à sa croyance ; mais aussi doit-on m’accorder que nous avons du moins autant de foi pour l’apparition des anges et des saints que les anciens en avaient pour celle de leur Apollon et de leur Mercure : cependant qu’aurait-on dit, si pour démêler Héraclius d’avec Martian, après la mort de Phocas, je me fusse servi d’un ange ? Ce poème est entre des chrétiens, et cette apparition y aurait eu autant de justesse que celle des Dieux de l’antiquité dans ceux des Grecs ; c’eût été néanmoins un secret infaillible de rendre celui-là ridicule, et il ne faut qu’avoir un peu de sens commun pour en demeurer d’accord. Qu’on me permette donc de dire avec Tacite : Non omnia apud priores meliora, sed nostra quoque oetas multa laudis et artium imitanda posteris tulit.

Je reviens aux tragédies de cette seconde espèce, où l’on ne connaît un père ou un fils qu’après l’avoir fait périr ; et pour conclure en deux mots après cette digression, je ne condamnerai jamais personne pour en avoir inventé ; mais je ne me le permettrai jamais.

Celles de la troisième espèce ne reçoivent aucune difficulté : non seulement on les peut inventer, puisque tout y est vraisemblable et suit le train commun des affections naturelles, mais je doute même si ce ne serait point les bannir du théâtre que d’obliger les poètes à en prendre les sujets dans l’histoire. Nous n’en voyons point de cette nature chez les Grecs, qui n’aient la mine d’avoir été inventés par leurs auteurs. Il se peut faire que la fable leur en ait prêté quelques-uns. Je n’ai pas les yeux assez pénétrants