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DISCOURS

DE LA TRAGÉDIE

ET DES MOYENS DE LA TRAITER

SELON LE VRAISEMBLABLE OU LE NÉCESSAIRE.


Outre les trois utilités du poëme dramatique dont j’ai parlé dans le discours que j’ai fait servir de préface à la première partie de ce recueil, la tragédie a celle-ci de particulière que par la pitié et la crainte elle purge de semblables passions[1]. Ce sont les termes dont Aristote se sert dans sa définition, et qui nous apprennent deux choses : l’une, qu’elle excite[2] la pitié et la crainte ; l’autre, que par leur moyen elle purge de semblables passions. Il explique la première assez au long, mais il ne dit pas un mot de la dernière ; et de toutes les conditions qu’il emploie en cette définition, c’est la seule qu’il n’éclaircit point. Il témoigne toutefois dans le dernier chapitre de ses Politiques un dessein d’en parler fort au long dans ce traité[3], et c’est ce qui fait que la plupart de ses interprètes veulent que nous ne l’ayons pas entier[4], parce que nous n’y voyons rien du tout sur cette matière. Quoi qu’il en puisse être, je crois qu’il est à propos

  1. Δι’ ἐλέου καὶ φόβου περαίνουσα τὴν τῶν τοιούτων παθημάτων κάθαρσιν. (Aristote, Poétique, chap. vi, 2.)
  2. Var. (édit. de 1660) : qu’elle doit exciter.
  3. Τί δὲ λέγομεν τὴν κάθαρσιν, νῦν μὲν άπλῶς, πάλιν δ’ ἐν τοῖς περὶ Ποιητικῆς ἐροὓμεν σαφέστερον. Aristote, Politique, liv. VIII, chap. vii.)
  4. Var. (édit. de 1660 et de 1662) : tout entier.