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DISCOURS

et le succès funeste du crime ou de l’injustice est capable de nous en augmenter l’horreur naturelle, par l’appréhension d’un pareil malheur.

C’est en cela que consiste la troisième utilité du théâtre, comme la quatrième en la purgation des passions par le moyen de la pitié et de la crainte[1]. Mais comme cette utilité est particulière à la tragédie, je m’expliquerai sur cet article au second volume, où je traiterai de la tragédie en particulier[2], et passe à l’examen des parties qu’Aristote attribue au poëme dramatique. Je dis au poëme dramatique en général, bien qu’en traitant cette matière il ne parle que de la tragédie ; parce que tout ce qu’il en dit convient aussi à la comédie, et que la différence de ces deux espèces de poëmes ne consiste qu’en la dignité des personnages, et des actions qu’ils imitent, et non pas en la façon de les imiter, ni aux choses qui servent à cette imitation.

Le poëme est composé de deux sortes de parties. Les unes sont appelées parties de quantité, ou d’extension ; et Aristote en nomme quatre : le prologue, l’épisode, l’exode et le chœur[3]. Les autres se peuvent nommer des parties intégrantes[4], qui se rencontrent dans chacune de ces premières pour former tout le corps avec elles. Ce philosophe y en trouve six : le sujet, les mœurs, les sentiments, la diction, la musique, et la décoration du

  1. Voyez Aristote, Poétique, chap. vi, 2.
  2. Var. (édit. de 1660) : Mais comme cette utilité est particulière à la tragédie, et que cette première partie de mes poëmes ne contient presque que des comédies où elle n’a point de place, je ne m’expliquerai sur cet article qu’au second volume, ou la tragédie l’emporte, et passe, etc. — La première partie de l’édition de 1660 contient les mêmes pièces que le recueil de 1644. Voyez plus haut, p. 1, note 1.
  3. Voyez Aristote, Poétique, chap. xii.
  4. Var. (édit. de 1660-1664) : intégrales.