Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
AU LECTEUR

mesme son, bien qu’on ne l’écrive qu’avec un e simple ; comme en ce mot severité, qu’il faudroit escrire sévérité, pour le faire prononcer exactement, et je l’ay fait observer dans cette impression[1], bien que je n’aye pas gardé le mesme ordre dans celle qui s’est faite in folio[2].

La double ll dont je viens de parler à l’occasion de l’e, a aussi deux prononciations en nostre Langue, l’une seche et simple, qui suit l’Ortographe, l’autre molle, qui semble y joindre une h. Nous n’avons point de différents caractéres à les distinguer ; mais on en peut donner cette régle infaillible. Toutes les fois qu’il n’y a point d’i avant les deux ll, la prononciation ne prend point cette mollesse. En voicy des exemples dans les quatre autres voyelles : baller, rebeller, coller, annuller. Toutes les fois qu’il y a un i avant les deux ll, soit seul, soit en diphtongue, la prononciation y adjouste une h. On escrit bailler, éveiller, briller, chatoüiller, cueillir, et on prononce baillher, éveillher, brillher, chatouillher, cueillhir. Il faut excepter de cette Régle tous les mots qui viennent du Latin, et qui ont deux ll dans cette Langue, comme ville, mille, tranquille, imbecille, distille, illustre, illegitime, illicite, etc. Je dis qui ont deux ll en Latin, parce que les mots de fille et famille en viennent, et se prononcent avec cette mollesse des autres qui ont l’i devant les deux ll, et n’en viennent pas ; mais ce qui fait cette différence, c’est qu’ils ne tiennent pas les deux ll des mots Latins, filia et familia, qui n’en ont qu’une, mais purement de nostre Langue. Cette régle et cette exception sont générales et asseurées. Quelques Modernes, pour oster toute l’ambiguité de cette prononciation, ont

  1. On lit ici dans l’édition de 1663 : « Et peut-estre le feray-je observer en la première impression qui se pourra faire de ces Recueils. »
  2. Il s’agit de l’édition datée de 1663, dont nous venons de parler.