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AU LECTEUR

ou aprés une consone, ou avant une consone. Entre deux voyelles elle passe tousiours pour z, et aprés une consone elle aspire tousiours, et cette difference se remarque entre les verbes composez qui viennent de la mesme racine. On prononce prezumer, rezister, mais on ne prononce pas conzumer, ny perzister. Ces régles n’ont aucune exception, et j’ay abandonné en ces rencontres le choix des caracteres à l’Imprimeur, pour se servir du grand ou du petit, selon qu’ils se sont le mieux accommodez avec les lettres qui les joignent. Mais je n’en ay pas fait de mesme, quand l’s est avant une consone dans le milieu du mot, et je n’ay pû souffrir que ces trois mots, reste, tempeste, vous estes, fussent escrits l’un comme l’autre, ayant des prononciations si differentes. J’ay reservé la petite s pour celle où la syllabe est aspirée, la grande pour celle où elle est simplement allongée, et l’ay supprimée entierement au troisiéme mot où elle ne fait point de son, la marquant seulement par un accent sur la lettre qui la précede. J’ay donc fait ortographer ainsi les mots suivants et leurs semblables, peste, funeste, chaste, resiste, espoir ; tempeste, haste, teste ; vous étes, il étoit, ébloüir, écouter, épargner, arréter. Ce dernier verbe ne laisse pas d’avoir quelques temps dans sa conjugaison, où il faut luy rendre l’s, parce qu’elle allonge la syllabe ; comme à l’imperatif arreste, qui rime bien avec teste ; mais à l’infinitif et en quelques autres où elle ne fait pas cet effet, il est bon de la supprimer et escrire, j’arrétois, j’ay arrété, j’arréteray, nous arrétons, etc[1].

  1. Ce projet a failli étre officiellement adopté. On trouve des renseignements à ce sujet dans les Observations de l’Académie francoise touchant l’orthographe, conservées au département des manuscrits de la Bibliotheque impériale, dont j’ai donné l’analyse dans l’Ami de la religion du 31 mai 1860.
    Ces Observations, rédigées par Mézeray, furent soumises en 1673