Page:Corne - La Vie et les Œuvres de Madame Desbordes-Valmore, 1876.pdf/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
DE MADAME DESBORDES-VALMORE

— La famille de Marceline Desbordes s’était dispersée. Longtemps notre illustre concitoyenne eut à Rouen ses deux sœurs, mariées, mères de famille, et qui vivaient à grand’peine de leur travail. Elle les aimait de toute son âme, et leur venait en aide aussi souvent qu’elle le pouvait. L’une d’elles mourut. Un jour, triste de son impuissance à réunir quelques fonds qu’elle eût voulu envoyer à Cécile, sa sœur aînée, la survivante, elle lui écrivait :

« (9 novembre 1854)… Tu dois savoir depuis longtemps qu’il n’y a guère que les malheureux qui se secourent entre eux. Va ! c’est bien vrai. Sans être plus méchants que nous, les riches ne peuvent absolument pas comprendre que l’on n’ait pas toujours assez pour les besoins les plus humbles de la vie. Ne parlons donc pas des riches, șinon pour être contents de ne pas les sentir souffrir comme nous. Avant-hier, dans la nuit, j’ai eu le bonheur de rêver à toi et de t’embrasser avec une effusion d’amitié et de joie si vive que je m’en suis réveillée. — Nous allions au-devant l’une de l’autre, les bras ouverts. Tu portais un beau châle de laine à palmes, et je portais le pareil, en vraie sœur. Hélas ! nous étions bien contentes de nous regarder et de nous serrer les mains. Ce bon rêve résume ce que j’ai senti bien des fois dans la vie, qu’il n’y a rien de comparable, ni de pareil à une amitié de sœur. »