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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

Je crains d’avoir abusé des citations, et je me sens entraîné cependant à vous lire encore une partie de l’épitre intitulée : « À mes enfants. » Ce petit poème, à mes yeux, résume fidèlement la destinée de madame Desbordes-Valmore et les motifs habituels de ses touchantes mélodies : résignation à sa vie errante, mélancolie, tendresse maternelle, puissance des souvenirs, élans du cœur.

Après un séjour de quatre années, il lui faut dire adieu à Bordeaux, à cette ville qu’elle aime. Son mari est appelé au loin ; elle est prête à le suivre ; mais toute préoccupée de ses enfants au berceau, dans sa tristesse, elle s’adresse à eux, elle leur dit :

Oui, nous allons encor essayer un voyage…
À l’ombre de ma vie abritez votre sort ;
Innocents pélerins, suivez ma destinée.
Dans la vôtre, (Que Dieu rende plus fortunée !)
Allez cueillir des jours libres et triomphants :
Moi, je bénis les miens ; vous êtes mes enfants !
Le mortel le plus humble est fier de son ouvrage.
Combien ce tendre orgueil m’a donné de courage !
Oh ! que de fois sensible et vaine tour à tour,
J’ai pensé qu’une reine envîrait ma fortune !
Et je plaignais la reine en sa gloire importune.
Elle est à plaindre ; elle a d’autres soins que l’amour.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Mais par le monde errante, et partout étrangère,
À vos berceaux de mousse à la hâte formés,
Seule, ardente à veiller mes amours tant aimés,
J’ai trouvé l’heure agile et ma tâche légère.