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LA VIE ET LES ŒUVRES

Viens, j’ai du courage,
Et te suivre est doux.

Le bonheur d’une mère est fragile. Un jour, une heure peuvent changer les plus douces joies en une douleur inconsolable. Madame Desbordes-Valmore, je l’ai déjà dit, a connu ces terribles épreuves. Successivement elle s’est vue arracher par la mort ses deux premiers-nés, sa plainte maternelle s’est exhalée bien souvent dans ses vers ; avec quelle vérité bien au-dessus de toutes les habiletés de l’art, avec quel sentiment pris au plus profond de son cœur, vous allez en juger :

LES REGRETS

« … Cet enfant, cet orgueil de mon âme,
Je ne le devrai plus qu’aux erreurs du sommeil.
De ses beaux yeux j’ai vu mourir la flamme
Fermés par le repos qui n’a point de réveil.

Comme échappé du ciel il passa dans le monde ;
D’un ange il y montra la forme et les attraits.
Pour payer ce moment de douceur sans seconde,
Mes pleurs doivent couler pour ne tarir jamais.

Tu t’es enfui, doux trésor d’une mère,
Gage adoré de mes tristes amours ;
Tes beaux yeux en s’ouvrant un jour à la lumière
Ont condamné les miens à te pleurer toujours.

À mes transports tu venais de sourire,
Mes bras tremblants entouraient ton berceau ;