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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

Dis qu’il n’est point parjure ; oh ! dis-le ! je suis prête
À t’entendre, à tout croire, à t’écouter toujours…
Mais non, il n’a pas vu ma main, faible et glacée
Rassembler mes cheveux pour voiler mon affront ;
Il n’a pas vu la mort, par lui-même tracée,
Sous le bandeau de fleurs qui tremblaient sur mon front,
Aveugle ! il n’a pas vu se troubler et s’éteindre
Mon œil longtemps fermé !
Quand j’ai dit : « Se peut-il ? »… ma voix n’a pu l’atteindre…
Il n’a donc pas aimé !…

L’amour malheureux tient une place immense dans la poésie de Marceline Desbordes, miroir toujours fidèle de sa vie et de son cœur. Rien ne peut la consoler ; ni le temps écoulé, ni les incidents de son existence précaire et agitée ne la distraient même de ses affections brisées, de son bonheur perdu. À toute occasion, dans ses épanchements les plus familiers, sa tristesse déborde, sa plainte douloureuse trouve des accents qui dominent tout. Cette effusion d’une inguérissable souffrance se voit surtout dans les Lettres à Délie qui comptent parmi les œuvres exquises de Marceline Desbordes.

Délie ! la femme désignée sous ce pseudonyme paraît avoir exercé sur la jeune destinée de Marceline une grande et maligne influence. Elle est belle, de formes séduisantes, très-entourée d’hommages, et toujours parfaitement maîtresse de son cœur. Je crois voir en elle quelque reine de théâtre, fort expérimentée, aimable au plus haut point quand il