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LA VIE ET LES ŒUVRES

Ses yeux, qui tant de fois me priaient de l’attendre,
Ne disaient plus : Demain !
Pâle, presqu’à genoux, suppliante, craintive,
J’ai dit… je n’ai rien dit, mais on entend les pleurs ;
Et ce morne silence où parlent les douleurs,
Ce cri prêt d’entr’ouvrir le sein qui le captive,
Tout en moi, tout parlait… il n’a pas entendu !
C’en était fait, ma sœur !… De mes larmes suivie,
Je repris ma raison sans reprendre la vie,
J’écoutai… de ses pas le bruit s’était perdu ;
J’étais seule !

Mais son malheur n’est pas au comble, un jour, devant elle, un fâcheux personnage, qui se donne pour le confident de celui qui l’a délaissée, s’en vient rapporter, étaler les preuves de son infidélité ; alors, maudissant l’Indiscret, elle s’écrie :

Faut-il qu’un nom trop cher puisse m’atteindre encor,
Pour m’apprendre, nouvelle affreuse !
Que j’étais seule malheureuse,
Et qu’on m’oublie avant ma mort !

Du plus sincère amour quel châtiment terrible !
Je n’étais pas aimée !… ô confidence horrible !
Il a parlé longtemps. Mes yeux gonflés de pleurs,
Se détournaient en vain de ses lèvres légères,
Dont le souffle éteignait mes erreurs les plus chères
Et dont le rire affreux outrageait mes malheurs.
Lui n’a vu mon effroi, ni ma pâleur extrême ;
L’indiscret n’a point d’âme.
 · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

Ah ! j’aurais dû crier : C’est moi… je l’aime… arrête !
Par ton Dieu, par ta mère et tes premiers amours,