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LA VIE ET LES ŒUVRES

Je ne veux pas dormir. Ô ma chère insomnie,
Quel sommeil aurait ta douceur ?
L’ivresse qu’il accorde est souvent une erreur,
Et la tienne est réelle, ineffable, infinie.
Quel calme ajouterait au calme que je sens ?
Quel repos plus profond guérirait ma blessure ?
Je n’ose pas dormir… Non, ma joie est trop pure ;
Un rêve en distrairait mes sens.
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Berce mon âme en son absence,
Douce insomnie, et que l’amour
Demain me trouve à son retour
Riante comme l’espérance.

Pour éclairer l’écrit qu’il laissa sur mon cœur,
Sur ce cœur qui tressaille encore,
Ma lampe a rallumé sa propice lueur,
Et ne s’éteindra qu’à l’aurore.
Laisse à mes yeux ravis briller la vérité ;
Écarte le sommeil, défends-moi de tout songe.
Il m’aime ! il m’aime encor ! Ô Dieu ! pour quel mensonge
Voudrais-je me soustraire à la réalité !
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Les premières inquiétudes se sont éveillées dans l’âme de Marceline. Un jour c’est l’absence de celui qu’elle aime qui fait naître en elle de tristes pressentiments

« Attends-moi, » m’as-tu dit, j’attends, j’attends toujours.
L’été, j’attends de toi la grâce des beaux jours :
L’hiver aussi j’attends ! fixée à ma fenêtre,
Sur le chemin désert je crois te reconnaître.
Mais les sentiers rompus ont effrayé tes pas ;
Quand ton cœur me cherchait, tu ne les voyais pas.