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LA VIE ET LES ŒUVRES

Elle a connu, ses vers le marquent en traits assez brûlants, le trouble, l’ivresse de la passion, les espérances infinies que par moments elle donne, puis sont venus les doutes, les soupçons, les noirs orages. Marceline s’est crue trompée, trahie ; elle n’a plus vu que l’horreur de l’abandon, de la solitude morale, du désespoir, et son cœur a éclaté en douleurs et en plaintes les plus désolées que jamais la langue poétique ait fait entendre. Vraiment je diminuerais à vos yeux celle dont nous sommes venus ici honorer ensemble la mémoire si je ne vous faisais pas entrevoir du moins cette autre Corinne dans l’élan de la passion, si par quelques citations je ne vous faisais juger des accents que l’amour arrachait à cette femme née, comme elle-même nous l’a dit, « pour aimer et souffrir. »

Commençant par les notes les moins vives, je vous demande d’écouter d’abord les jolies stances que Marceline adresse à une de ses amies, Pauline Duchambge. Cette amie, éprouvée par des chagrins d’amour, paraissait résolue à quitter le monde pour aller s’ensevelir dans un cloître. Marceline, qui connaissait ce même mal, était loin d’être convaincue de l’efficacité du remède. C’est ce qu’elle exprime avec autant de finesse que de sentiment dans les prudents conseils qu’elle envoie à son amie :

Quand tu pourrais, sœur morave,
Silencieuse à toujours,