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LA VIE ET LES ŒUVRES


Seule au monde aujourd’hui j’achève mon chemin.
Quand mon cœur est gonflé d’amertume et d’alarmes,
Tendre, tu ne viens plus le presser sous ta main ;
Tu n’y viens plus verser de l’espoir ou des larmes.

Personne, quand je suis assise tristement,
Ne vient tout près, tout bas m’appeler « son amie ; »
Ta seule ombre épiant ma douleur endormie
Vient me consoler un moment.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Ainsi toujours aimante et déçue, ou trahie,
Mes plus doux sentiments se fanent tour à tour ;.
Et l’amitié coûte à ma vie
Autant de larmes que l’amour.

Quelle vérité dans ces accents de la douleur ! À côté de ces vers où un cœur profondément ému exhale sans préparation et sans art le sentiment qui l’oppresse, combien une poésie de convention, avec les prétentions les plus habiles nous paraîtrait froide et sans force !

Je ne quitterai pas Albertine, objet pour Marceline Desbordes de si émouvants souvenirs, sans vous lire aussi un fragment d’une élégie où cette mémoire chérie arrache encore à la jeune fille poëte des vers empreints d’une navrante tristesse :


LE MAL DU PAYS


Je veux aller mourir aux lieux où je suis née.
Le tombeau d’Albertine est près de mon berceau,