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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

Plus désolés encore sont les vers qu’inspira à Marceline Desbordes le souvenir de sa chère Albertine. Ensemble elles avaient atteint l’adolescence, puis la jeunesse ; ensemble elles avaient connu les premières épreuves de la vie. Albertine était la confidente et le soutien de la pauvre Marceline à une époque où celle-ci avait bien besoin d’un coeur ami qui pût recevoir ses aveux, partager ses tristesses, relever son courage. Elle aussi lui fut enlevée par la mort. La perte d’Albertine avait laissé dans son âme un vide immense, une blessure profonde. Écoutons le cri de sa douleur dans l’élégie intitulée « Albertine » :

Que j’aimais à te voir, à t’entendre, Albertine !
À te deviner seule en écoutant tes pas !
Oh ! que j’aimais mon nom dans ta voix argentine !
Quand je vivrais toujours je ne l’oublîrais pas.

Albertine ! Albertine ! ô ma douce compagne,
Tes pas avant les miens se sont donc arrêtés ;
Tes cris qui m’appelaient par l’écho répétés
Ne m’attireront plus à travers la campagne !

Oh ! que c’est mourir jeune ! Un jour ta faible voix,
(Elle devenait faible et j’en étais troublée),
Ta voix me dit : « Bientôt, pour la première fois,
Je ne guiderai plus ta course désolée.

» Tu viendras seule alors à notre rendez-vous,
Sous le saule qui pleure au tombeau de mon frère,
Et de même bientôt tu pleureras sur nous.
Pour moi, près de Julien, il reste assez de terre ;
J’y songe tous les jours, on est bien dans la mort. »