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LA VIE ET LES ŒUVRES


Douce église, sans pompe et sans culte et sans prêtre,
Où je faisais dans l’air jouer ma faible voix,
Où la ronce montait fière à chaque fenêtre,
Près du Christ mutilé qui m’écoutait peut-être,
N’irai-je plus rêver du ciel comme autrefois ?

Oh ! n’a-t-on pas détruit cette vigne oubliée
Balançant au vieux mur son fragile réseau,
Comme l’aile d’un ange aimante et dépliée ?
L’humble pampre embrassait l’église humiliée
De sa pâle verdure où tremblait un oiseau.

Notre-Dame, aujourd’hui belle et retentissante,
Triste alors, quel secret m’avez-vous dit tout bas ?
Et quand mon timbre pur remplaçait l’orgue absente,
Pour répondre à l’écho de la nef gémissante,
Mon frêle et doux Ave ne l’écoutiez-vous pas ?

« Madame Desbordes est un poëte si instinctif, si tendre, si éploré, si prompt à toutes les larmes et à tous les transports, si brisé et battu par les vents, si inspiré par l’âme seule, si étranger à l’école et à l’art qu’il est impossible, auprès d’elle, de ne pas considérer la poésie comme indépendante de tout but, comme un simple don de pleurer, de s’écrier, de se plaindre, d’envelopper de mélodie sa souffrance. »

C’est Sainte-Beuve qui la juge ainsi, qui fait ainsi ressortir le sincère et admirable cachet de son talent. Il ajoute : « Madame Desbordes est toute poëte par l’amour. » Nous venons de voir comme elle savait aimer même des choses inanimées, mais