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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

Ô mon pays ! quelle âme aimante, à ton rivage,
A compris qu’une fleur me parlerait de toi ?
Quel charme m’environne, et quel Dieu rompt ma chaîne ?
La vie est libre encor !…, je lui pardonne tout.
Sol natal ! Sol natal ! Dans ta suave haleine,
Dans tes parfums, la vie a comme un autre goût.
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Emporte-moi, souffle errant, doux génie,
Sur mon rempart tant chanté, tant aimé ;
Et que ma cendre un jour soit réunie
À l’humble terre où mon cœur s’est formé !…

Après de longues années d’absence, Marceline Desbordes est venue revoir sa ville de Douai. Son émotion fut profonde ; elle l’a exprimée dans une pièce de vers touchante, à laquelle elle n’a pas su donner d’autre nom que celui de tristesse.

« Vous aussi, ma natale, on vous a bien changée !
Oui, quand mon cœur remonte à vos gothiques tours,
Qu’il traverse rêveur notre absence affligée,
Il ne reconnaît plus la grâce négligée
Qui donnait tant de charme au maternel séjour.

Il voit rire un jardin sur l’étroit cimetière
Où la lune souvent me prenait à genoux ;
L’ironie embaumée a remplacé la pierre
Où j’allais, d’une tombe indigente héritière,
Relire ma croyance au dernier rendez-vous.

Tristesse ! après longtemps revenir isolée,
Rapporter de sa vie un compte douloureux,
La renouer malade à quelque mausolée,
Chercher un cœur à soi sous la croix violée,
Et ne plus oser dire : « il est là. » C’est affreux.