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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

applaudir sur différentes scènes, à Rouen, à Bordeaux, à Bruxelles, à Lyon. Mais la carrière théâtrale ne pouvait convenir longtemps à sa nature frêle, impressionnable, ennemie des intrigues et des tracasseries qui, trop souvent, s’y rattachent. Elle y renonça en 1823. »

Il ne nous étonne pas que le théâtre n’ait point tenu pour Marceline Desbordes tout ce qu’il semblait lui promettre, et qu’elle n’y ait point atteint ces degrés supérieurs pour lesquels elle semblait faite. C’est que la plus riche organisation n’est pas celle qui a le plus d’affinités avec un art essentiellement imitateur : il est dans l’ordre naturel qu’une âme vive, spontanée, qui se laisse aller tout entière à la vérité et à l’élan de sa propre passion ne réussisse qu’à demi dans un art qui demande avant tout un esprit observateur, de patientes études, de la force intérieure contenue ou dépensée avec la plus habile mesure. Madame Desbordes elle-même, comme elle nous fait bien toucher du doigt l’écueil que rencontre dans la carrière dramatique un cœur trop primitif, d’une sensibilité naïve et nullement maîtresse de ses propres émotions, quand elle nous dit : « À vingt ans, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer » !

Mais c’est surtout par le plus noble côté de son âme, par son honnête fierté que la jeune Marceline