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LA VIE ET LES ŒUVRES

on m’apprit à chanter ; on m’appela à Paris, au théâtre Feydeau. À seize ans, j’étais sociétaire ; mais ma faible part se réduisait alors à 80 fr. par mois et je luttais contre une indigence qui n’est pas à décrire ; je fus forcée de sacrifier l’avenir au présent ; et, dans l’intérêt de mon père, je retournai en province. À vingt ans, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer. »

Les débuts au théâtre de notre célèbre compatriote piquent notre curiosité, et cette question se présente d’elle-même à notre esprit : « Que fut-elle au théâtre, cette jeune fille si heureusement douée ? Quelle place sut-elle y conquérir ? »

Un contemporain et ami de madame Desbordes-Valmore, M. Romain Duthilleul, éclaire ce point qui nous intéresse :

« Elle joua, dit-il, d’abord en province. Grétry, ayant eu occasion de la voir et de l’apprécier, réussit à la faire admettre à l’Opéra-Comique de Paris. Un très-beau succès l’y attendait ; elle y créa plusieurs rôles importants. On applaudit en elle une diction parfaite et surtout une sensibilité communicative qui se trouvait en harmonie avec la douceur de son regard et toute l’expression de sa figure. Grétry la surnomma alors sa chère fille, et jusqu’à sa mort lui conserva ce nom si doux et si flatteur…

» Parcourant de nouveau la province, elle se fit