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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

ments tendres, tristes ou délicieux qu’elle ne saurait encore elle-même définir ni exprimer ; il y a déjà comme un souffle poétique qui passe sur le front de cette jeune fille dont les doigts légers manient si prestement les ciseaux et l’aiguille.

Le hasard fit que des femmes artistes, attachées à cette époque au théâtre de Douai, eurent occasion d’utiliser pour leur toilette l’habilité et le goût de Marceline. Elles ne purent s’empêcher de remarquer l’heureuse vivacité de son esprit et tout ce qu’il y avait dans sa personne de grâce et d’attrait. Confidentes de ses soucis quant aux moyens matériels d’assurer l’existence de son père et la sienne, elles lui firent entrevoir les succès qu’à leur avis elle ne pouvait manquer d’obtenir, si elle se vouait au théâtre. Marceline et le père de famille lui-même prêtèrent l’oreille à ces conseils, et le 21 novembre 1803, la jeune Desbordes fit des débuts sur la scène, à Douai, dans le Philinte de Molière, de Fabre d’Églantine, et le Roman d’une heure, d’Hoffmann.

Madame Desbordes-Valmore, dans cette lettre que j’ai déjà citée, et où elle rapporte elle-même plusieurs incidents de sa vie, s’exprime ainsi sur son entrée dans la carrière dramatique : « C’est alors, dit-elle, après avoir rappelé la triste situation où, à son retour d’Amérique, elle avait trouvé son père et ses jeunes frères et sœurs, c’est alors que le théâtre offrit pour eux et pour moi une sorte de refuge,