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LA VIE ET LES ŒUVRES

sine veuve, chassée par les nègres de son habitation, la colonie révoltée, la fièvre jaune dans toute son horreur. Elle ne porta pas ce coup. Son réveil, ce fut de mourir à 41 ans. Moi, j’expirais auprès d’elle. On m’emmena en deuil hors de cette île dépeuplée à demi par la mort, et de vaisseau en vaisseau, je fus rapportée au milieu de ma famille désolée et devenue tout-à-fait pauvre. »

Franchissons deux ou trois années :

L’enfant est maintenant une jeune fille, à la taille élégante, au gracieux visage, à la physionomie pleine d’expression, à la voix d’un timbre charmant et sympathique. Sous l’humble toit paternel, du matin au soir, elle travaille de ses mains pour aider son père à soutenir les charges de la famille. Marceline s’est faite couturière. Mais allons au fond de cette âme de seize ans que la nature a douée d’une sensibilité exquise et que tant d’émotions ont déjà ébranlée. Ce n’est pas en vain que Marceline, dans l’âge des profondes impressions et avec une âme toute ouverte pour les recevoir, a vu les grands spectacles de la mer, les magnificences du ciel et de la terre des Tropiques ; ce n’est pas en vain qu’elle a connu si jeune les riantes illusions et les déceptions cruelles, qu’elle a connu le dénûment, l’abandon et un immense deuil, son imagination, tantôt est rêveuse et mélancolique, tantôt elle anime et colore tout des teintes les plus vives ; son cœur déborde de senti-