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DE MADAME DESBORDES-VALMORE

celine comme une nature distinguée, éprise de musique et de poésie ; comme une femme d’imagination et de cœur. Dans quel affreux abattement ne dut-elle pas tomber, cette femme, cette mère aux sentiments rendus si exaltés, quand elle se vit à quinze cents lieues de son pays et de sa famille, sans un seul appui, sans ressources aucunes, sur un sol frémissant, et obligée de tout craindre pour elle-même, pour sa fille chérie ? L’épreuve était au-dessus de ses forces ; minée de chagrin, puis attaquée par la fièvre jaune, elle succomba bientôt.

Et la pauvre enfant, arrachée des bras de sa mère mourante, seule désormais, toute seule sur la terre étrangère, que va-t-elle devenir ? La réponse à cette question, je la trouve dans une lettre de Marceline Desbordes elle-même :

« Ma mère, écrit-elle à une amie, imprudente et courageuse, se laissa envahir par l’espérance de rétablir sa maison, en allant en Amérique trouver une parente qui était redevenue riche ; de ses quatre enfants qui tremblaient de ce voyage, elle n’emmena que moi ; je l’avais bien voulu ; mais je n’eus plus de gaîté après ce sacrifice… J’adorais mon père comme le bon Dieu. Les rues, les villes, les ports de mer où il n’était pas me causaient de l’épouvante, et je me serrais contre les vêtements de ma mère comme dans mon seul asile.

» Arrivée en Amérique, ma mère trouva ma cou-