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Les budgets de Stendhal ne sont guère brillants, il a essayé de s’en consoler. « La cuisine de la littérature, dit-il, m’aurait dégoûté du plaisir d’écrire. J’ai renvoyé les jouissances de l’imprimé à vingt ou trente ans d’ici. Je vous avouerai que je place mon orgueil à avoir un peu de renom en 1880. » En quoi il ne s’est pas trompé. De son vivant il fut apprécié de quelques happy few, parmi lesquels on peut citer Gœthe, grand admirateur de Rouge et Noir, et Balzac qui écrivit dans sa Revue Parisienne un article superbe sur la Chartreuse de Parme. Balzac disait : « Aussi le plus grand obstacle au renom mérité de M. Beyle vient-il de ce que la Chartreuse de Parme ne peut trouver de lecteurs habiles à le goûter que parmi les diplomates, les ministres, les observateurs, les gens du monde les plus éminents, les artistes les plus distingués, enfin parmi les douze ou quinze cents personnes qui sont à la tête de l’Europe. »

Et pourtant les livres de Beyle ne sortaient pas du magasin de son éditeur. Il en riait le tout premier. Il raconte qu’en 1822, il eut grand peine à trouver un libraire qui voulût gratuitement du manuscrit de L’Amour. Ce libraire lui dit au bout d’un mois :

— Votre livre, Monsieur, est comme les Psaumes de M. de Pompignan : « Sacrés ils sont, car personne n’y touche. »