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sont disparates comme la vie qu’elles reflètent. Elles roulent pêle-mêle des portraits, des menus d’agapes, des traits d’esprit, des paysages, des échos de livres et de théâtre, des débats philosophiques et des détails de santé, des vues sur l’art et des soucis domestiques, les plus libres anecdotes et des hymnes à la vertu. Mais ce sont avant tout des lettres d’amour. L’éloignement a tendu les liens qui l’unissaient à Sophie. Et, sur cette harpe idéale, il fait gémir son chagrin et chanter sa tendresse.

Écoutez d’abord les accents de sa peine. Il ne s’accoutume pas au mal de l’absence. Il souffre et s’étonne ingénument de tant souffrir : « Si vous saviez l’état misérable d’anéantissement où je suis tombé depuis votre départ. Cela m’est arrivé sans que je m’en doutasse. Il faut que je vous aime deux fois plus que je ne croyais. »

Il connaît cette sorte d’asphyxie morale où l’on se débat quand s’éloigne l’être aimé : « Vous me manquez à tout moment. Si d’abord je ne sais pas ce que je cherche, à la réflexion, je trouve que c’est vous ; si je veux sortir sans savoir pourtant où aller, à la réflexion je trouve que c’est où vous étiez ; si