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vait des ouvrages encore plus pernicieux que ceux dont il était déjà l’auteur.

Or, le bon Diderot, qui s’intéressait au sort des aveugles, fut invité à voir, chez M. de Réaumur, un aveugle-né, récemment opéré de la cataracte et dont on allait lever le bandeau. Les premières impressions d’un homme qui découvre l’univers ne manqueraient pas d’être curieuses. Mais dès que le sujet commença de parler, Diderot s’aperçut qu’il ne voyait pas pour la première fois. En effet, on avait offert la primeur de l’expérience à Mme Dupré de Saint-Maur, grande amie du Ministre de la Guerre, le comte d’Argenson.

Diderot, fort déçu, sortit en déclarant qu’on avait mieux aimé comme témoins de beaux yeux sans conséquence que des yeux dignes de juger. Et il tint à le répéter, noir sur blanc, dès les premières lignes de sa fameuse Lettre sur les Aveugles, qu’il publia peu après.

Mme Dupré de Saint-Maur avait des prétentions à la science. Elle s’offensa d’un propos plus flatteur pour la beauté de ses yeux que pour l’autorité de son jugement. Elle s’en plaignit à son ami le ministre.