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Plus tard, au temps de sa pauvre et libre jeunesse, il lutinait Mlle Babuti, une petite libraire du quai des Augustins, poupine, droite comme le lis et vermeille comme la rose. Il entrait vivement dans sa boutique et s’amusait à lui demander des ouvrages libertins. Elle s’indignait en riant, déclarant qu’on n’a point, qu’on ne lit point de ces vilenies. Jouant la surprise, il feignait d’ignorer que ces livres fussent des vilenies. Tel était le ton de leurs assauts innocents. Et quand il repassait au prochain jour devant le magasin, elle souriait. Lui aussi.

Diderot a conté cette petite scène dans son Salon de 1765, à propos d’un portrait de Mme Greuze par son mari. Car Mlle Babuti devint Mme Greuze. Le peintre l’épousa par amour. Mais cette femme adorée, dont il immortalisa les traits sur maintes toiles, le rendit très malheureux.

Nous ne pouvons pas l’ignorer : Greuze, méditant une séparation juridique, a rempli de ses infortunes conjugales tout un gros Mémoire, parvenu jusqu’à nous. Et le bon Diderot lui-même a fini par perdre ses illusions sur elle. Dans une lettre de 1767 à son ami le sculpteur Falconet, alors en Russie, il