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demi-douzaine de fois, dans ses lettres, de ce qu’il appelle sa nullité. Il entend par là cet état où l’homme, désarmé par l’âge, ne peut plus franchir les portes du plaisir et doit définitivement baisser pavillon.

Cette nullité, il l’a laissé deviner à Grimm le jour où, voyant sa tête tout argentée, il déclare qu’il échappe « au maître sauvage et furieux ». Dans une boutade, il l’a avouée tout net à d’Alembert, cruellement malade : « D’Alembert, vous ne vivez plus que pour la douleur ; moi, je suis nul ; quand vous voudrez, nous finirons ; qu’avons-nous de mieux à faire ? »

Mais il y revient dans ses lettres à Sophie. D’abord à propos d’une anecdote : « Un homme pressait très vivement une femme et cette femme soupçonnait que cet homme n’avait pas la raison qu’il faut pour être pressant ; elle lui disait : « Monsieur, prenez-y garde, je m’en vais me rendre. » Passé cinquante ans, il n’y en a presque aucun de nous que cette franchise n’embarrassât… J’en excepte cependant les prêtres et les moines, parce qu’il y a des grâces d’état. »