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copies à Grimm, qui les emporta en quittant la France. On ignore comment elles tombèrent aux mains d’un Français établi en Russie, Jeudy-Dugour, qui les vendit au libraire Paulin. Bref, elles furent publiées en 1830.

Voilà donc bientôt un siècle qu’on s’efforce de leur arracher leur secret. Car nombre d’esprits se sont passionnés pour cette énigme. Tous ceux qui ont étudié Diderot ont donné leur avis sur ce point délicat. À de rares exceptions près, ils ont conclu que Sophie fut la maîtresse du philosophe.

Quelle curieuse consultation s’est ainsi poursuivie pendant tout le dix-neuvième siècle… Il y a là le biographe timoré, qui balance avant d’opiner. Ainsi Maurice Tourneux, l’auteur des Amours de Diderot et l’éditeur de ses œuvres, déclare d’abord que les lettres à Sophie sont trop incomplètes pour permettre de se prononcer. Puis il prend un détour ingénieux. Il rappelle la thèse que Sainte-Beuve voulait développer dans une nouvelle intitulée Le Clou d’Or : une heure de félicité complète, une seule, entre deux amants, suffit à leur assurer un bonheur, désormais chaste, mais solide et durable.