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ses ans passeront avec les miens… Elle fait mon bonheur aujourd’hui ; demain elle fera mon bonheur, et après-demain, et après-demain encore, et toujours, parce qu’elle ne changera point, parce que les dieux lui ont donné le bon esprit, la droiture, la sensibilité, la franchise, la vertu, la vérité qui ne change pas. Et je fermais l’oreille aux conseils austères de ces philosophes ; et je fis bien, n’est-ce pas, ma Sophie ? »

La voix monte encore. Cette fois, les grandes orgues tonnent. Diderot veut toute l’éternité pour son amour : « Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer à côté l’un de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent ! Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état. Peut-être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent à leur manière au fond de l’urne froide qui les renferme… Ô ma Sophie ! Il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre avec vous quand nous ne serons plus… si je devais dans la