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veauté. Et c’en était peut-être une autre, malgré la Bonne Chanson, que l’étrangeté et le trouble de l’émotion sensuelle, traduits en des rythmes d’une si extraordinaire fluidité :

Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles !
Il n’est plus de nuits ; il n’est plus de jours.
Dors, en attendant venir toutes celles
Qui disaient : jamais ! qui disaient : toujours !…

Buona vespre ! Dors. Ton bout de cierge,
On l’a posé là, puis on est parti.
Tu n’auras pas peur seul, pauvre petit ?
C’est le chandelier de ton lit d’auberge…

Poésie de clair-obscur, chuchotée plus que chantée, si musicale cependant, pleine de lointaines résonnances, de prolongements mystérieux, expression d’un état d’âme inconnu de la génération parnasienne et qui allait devenir celui de la génération de 1884. Elle ne durait pas ; ce n’était qu’une rose dans les ténèbres, comme dit quelque part un personnage de Mœterlinck. Oui sans doute, et le démon du poète, son besoin morbide d’effarer le bourgeois, peut-être tout simplement sa peur du ridicule, étouffaient presque tout de suite ces adorables préludes de viole. Un vertige l’empor-