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LE POÈTE CONTUMACE



Sur la côte d’ARMOR. — Un ancien vieux couvent,
Les vents se croyaient là dans un moulin-à-vent,
Et les ânes de la contrée,
Au lierre râpé, venaient râper leurs dents
Contre un mur si troué que, pour entrer dedans,
On n’aurait pu trouver l’entrée.

— Seul — mais toujours debout avec un rare aplomb,
Crénelé comme la mâchoire d’une vieille,
Son toit à coups-de-poing sur le coin de l’oreille,
Aux corneilles bayant, se tenait le donjon,

Fier toujours d’avoir eu, dans le temps, sa légende…
Ce n’était plus qu’un nid à gens de contrebande,
Vagabonds de nuit, amoureux buissonniers,
Chiens errants, vieux rats, fraudeurs et douaniers.

— Aujourd’hui l’hôte était de la borgne tourelle,
Un Poète sauvage, avec un plomb dans l’aile,
Et tombé là parmi les antiques hiboux