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LE BOSSU BITOR



Un pauvre petit diable aussi vaillant qu’un autre,
Quatrième et dernier à bord d’un petit côtre
Fier d’être matelot et de manger pour rien,
Il remplaçait le coq, le mousse et le chien ;
Et comptait, comme ça, quarante ans de service,
Sur le rôle toujours inscrit comme — novice !

… Un vrai bossu : cou tors et retors, très madré,
Dans sa coque il gardait sa petite influence ;
Car chacun sait qu’en mer un bossu porte chance…
— Rien ne f…iche malheur comme femme ou curé !

Son nom : c’était Bitor[1] — nom de mer et de guerre —
Il disait que c’était un tremblement de terre
Qui, jeune et fait au tour, l’avait tout démoli :
Lui, son navire et des cocotiers… au Chili.

  1. Le bitors est un gros fil à voile tordu en double et goudronné.