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— Ils durent comme ça, reniflant la tempête
Riches de gloire et de trois cents francs de retraite,
Vieux culots de gargousse, épaves de héros !…
— Héros ? — ils riraient bien !… — Non merci : matelots !

— Matelots ! — Ce n’est pas vous, jeunes mateluches,
Pour qui les femmes ont toujours des coqueluches…
Ah, les vieux avaient de plus fiers appétits !
En haussant leur épaule ils vous trouvent petits.
À treize ans ils mangeaient de l’Anglais, les corsaires !
Vous, vous n’êtes que des pelletas militaires…
Allez, on n’en fait plus de ces purs, premier brin !
Tout s’en va… tout ! La mer… elle n’est plus marin !
De leur temps, elle était plus salée et sauvage.
Mais, à présent, rien n’a plus de pucelage…
La mer… La mer n’est plus qu’une fille à soldats !…

— Vous, matelots, rêvez, en faisant vos cent pas
Comme dans les grands quarts… Paisible rêverie
De carcasse qui geint, de mât craqué qui crie…
— Aux pompes !…
— Aux pompes !…— Non… fini ! — Les beaux jours sont passés :
Adieu mon beau navire aux trois mâts pavoisés !