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Le Sommeil s’éveillant me dit : Tu m’as scié.

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Toi qui souffles dessus une épouse enrayée,
Ruminant ! dilatant ta pupille éraillée ;
Sais-tu ?… Ne sais-tu pas ce soupir — le Réveil ! —
Qui baille au ciel, parmi les crins d’or du soleil
Et les crins fous de ta Déesse ardente et blonde ?…
— Non ?… — Sais-tu le réveil du philosophe immonde
— Le Porc — rognonnant sa prière du matin ;
Ou le réveil, extrait-d’âge de la catin ?…
As-tu jamais sonné le réveil de la meute ;
As-tu jamais senti l’éveil sourd de l’émeute,
Ou le réveil de plomb du malade fini ?…
As-tu vu s’étirer l’œil des Lazzaroni ?…
Sais-tu ?… ne sais-tu pas le chant de l’alouette ?
— Non — Gluants sont tes cils, pâteuse est ta luette,
Ruminant ! Tu n’as pas l’Insomnie, éveillé ;
Tu n’as pas le Sommeil, ô Sac ensommeillé !


(Lits divers — Une nuit de jour.)