Page:Corbière - Les Amours jaunes, 1873.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.



Fontaine de Jouvence et Borne de l’envie !
Toi qui viens assouvir la faim inassouvie !
Toi qui viens délier la pauvre âme ravie,
Pour la noyer d’air pur au large de la vie !


Toi qui, le rideau bas, viens lâcher la ficelle
Du Chat, du Commissaire, et de Polichinelle,
Du violoncelliste et de son violoncelle,
Et la lyre de ceux dont la Muse est pucelle !


Grand Dieu, Maître de tout ! Maître de ma Maîtresse
Qui me trompe avec toi — l’amoureuse Paresse —
Ô bain de voluptés ! Éventail de caresse !


Sommeil ! Honnêteté des voleurs ! Clair de lune
Des yeux crevés ! — Sommeil ! Roulette de fortune
De tout infortuné ! Balayeur de rancune !


Ô corde-de-pendu de la Planète lourde !
Accord éolien hantant l’oreille sourde !
— Beau Conteur à dormir debout : conte ta bourde ?…
Sommeil ! — Foyer de ceux dont morte est la falourde !