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Tu verras mes moissons — Nous sommes en décembre —
Mes grands bois de sapin, les fleurs d’or des genêts,
Mes bruyères d’Armor… — en tas sur les chenets.
Viens te gorger d’air pur — Ici j’ai de la brise
Si franche !… que le bout de ma toiture en frise.
Le soleil est si doux… — qu’il gèle tout le temps.
Le printemps… — Le printemps n’est-ce pas tes vingt ans.
On n’attend plus que toi, vois : déjà l’hirondelle
Se pose… en fer rouillé, clouée à ma tourelle. —
Et bientôt nous pourrons cueillir le champignon…
Dans mon escalier que dore… un lumignon.
Dans le mur qui verdoie existe une pervenche
Sèche. — … Et puis nous irons à l’eau faire la planche
— Planches d’épave au sec — comme moi — sur ces plages.
La Mer roucoule sa Berceuse pour naufrages ;
Barcarolle du soir… pour les canards sauvages. »

« En Paul et Virginie, et virginaux — veux-tu —
Nous nous mettrons au vert du paradis perdu…
Ou Robinson avec Vendredi — c’est facile —
La pluie a déjà fait, de mon royaume, une île. »

« Si pourtant, près de moi, tu crains la solitude,
Nous avons des amis, sans fard — Un braconnier ;