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le plus affreux délire et l’abattement de la mort.

La Rosalie, presque remplie d’eau ; poussée, sans être manœuvrée, par les vents alisés, tantôt revient au vent, et tantôt reprend sa route, livrée à l’impulsion de la brise qui siffle dans sa voilure désorientée. Les nègres, effrayés de la position où ils se trouvent, commencent à devenir plus menaçans qu’ils ne l’avaient été encore : chacun de ceux qui succombent sert aussitôt d’aliment aux autres.

Pour moi, j’entrevoyais sans effroi le moment où, n’ayant plus de vivres, ils viendraient, malgré Fraïda, s’emparer de moi et de ceux de mes hommes qui existaient encore. À chaque coup de roulis, leurs cris m’annonçaient leur