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à vous manger. Des calmes fatigans à subir, un air infect à respirer, quelques esclaves morts à jeter à la mer, presque toutes les nuits à passer sur le pont, des malades à soigner : telle est en peu de mots l’histoire de presque toutes les traversées de la côte d’Afrique en Amérique.

En approchant de la Martinique, un sentiment d’espoir et de crainte vint varier un peu l’uniformité de mon état moral. Une belle nuit j’arrivai au Robert, quartier du vent de l’île. En quelques heures je me trouvai su le rivage avec mes esclaves, conduits par mon équipage sur l’habitation d’un de mes armateurs. Il y avait quinze jours qu’on m’attendait là, et en partant j’avais donné rendez-vous en cet endroit même à mes