Page:Corancez - De J. J. Rousseau, 1798.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 74 )

il des dédicaces en paiement ? C’est par ces moyens que l’on prouve ſa miſère, & que le miſérable, ſans ceſſer de l’être, parvient à ſe cacher ſous un ſurtout de velours. L’ame noble & ſublime de ce philoſophe s’eſt toujours nourrie du lait de la liberté, & c’eſt ſans doute ce qui l’a rendu ſi étranger au milieu de nous.

Voulez-vous, monſieur, prendre des idées plus juſtes de ce grand homme, & le connoître mieux que par vos anecdotes. J’ai eu le bonheur de vivre familièrement avec lui les douze dernières années de ſa vie ; jamais, pendant ce long intervalle, je ne lui ai rien entendu dire contre aucun homme de lettres vivant ; je l’ai vu s’élever avec chaleur contre ceux qui blâmoient les honneurs décernés à l’auteur de Mahomet : il avoit, de l’homme de lettres que vous déſignez dans votre première anecdote, une ſi haute opinion, qu’il ne faiſoit pas difficulté d’avouer qu’il lui avoit les plus grandes obligations littéraires ; jamais il n’a vu, dans les auteurs les plus médiocres, que leurs côtés louables. Au milieu de cette fierté dans ſes principes, j’oſe affirmer qu’il ignoroit ſa force, & ne ſe voyoit qu’à travers le voile de la modeſtie. Son caractère m’étoit tellement connu, qu’en lui parlant de la chûte