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ſéquens entre eux ; il ſe repoſoit ſur la nature même de ſon ſtyle, qui feroit dire à la poſtérité que l’on ne parloit pas ainſi lorſque ſa perſuaſion n’étoit pas dans le cœur. Il m’a conté à cette occaſion un trait aſſez plaiſant, que je veux vous dire, puisque vous aimez les anecdotes. Deux jéſuites ſe préſentèrent chez lui pour le prier de leur faire part du ſecret dont il ſe ſervoit pour écrire ſur toutes ſes matières avec tant de chaleur & d’éloquence. J’en ai un en effet, mes pères, leur répondit Rouſſeau, je ſuis fâché qu’il ne ſoi pas à l’uſage de votre ſociété, c’eſt de ne dire jamais que ce que je penſe.

Vous dites encore qu’il n’aimoit pas les gens de lettres, & en le comparant à Marius vous en voyez la raiſon dans une autre anecdote, qui eſt qu’étant commis chez M. D., il ne dînoit pas à table les jours où les gens de lettres étoient invités. Si cette anecdote étoit vraie, elle ne donneroit pas une grande idée des gens de lettres, choiſis & invités par un homme qui ayant chez lui Rouſſeau ne l’auroit pas jugé digne de ſa table ; & je ne vois pas matière à humiliation, pour ne pas dîner avec MM. Vadé & Poinſinet à la table de M. D. Les conſéquences que vous tirez de ce fait, prouvent que vous dîniez à table,