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avoit de ſa timidité, & je crois que non-ſeulement ſa mort a été volontaire, mais que par les circonſtances elle étoit forcée.

M. Girardin la nie ! Qu’on ſe mette à ſa place. Il n’avoit cherché à attirer chez lui Rouſſeau que pour ſon bonheur & celui de ſa femme ; il avoit bien certainement, & ſans qu’il puiſſe raiſonnablement s’élever le moindre doute à cet égard, employé tous les moyens pour parvenir à ce but ; n’étoit-il pas bien fâcheux, non-seulement de n’avoir pas réuſſi, mais de pouvoir être accuſé d’être la cauſe première de ce malheureux événement ? N’eſt-il pas dans l’homme & bien pardonnable de chercher à couvrir une vérité de cette nature, de l’envelopper de voiles, puiſqu’enfin elle ne peut apporter au mal aucun adouciſſement ? Sa dénégation & ſon ſilence ſont donc dans l’ordre naturel.

Me trouvant aujourd’hui dans d’autres circonſtances que celles où ſe trouvoit M. Girardin, j’aurois à me reprocher, & les autres me reprocheroient, connoiſſant la vérité, de ne pas la faire ſortir toute entière. Rouſſeau n’appartient ni à ſes amis particuliers, ni même aux hommes de ſon temps. Il appartient au monde littéraire, aux philoſophes & aux moraliſtes : il appartient à la poſtérité.