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dit-il, le Taſſe est venu avant moi ; comment a-t-il eu connoiſſance de mes malheurs ? Je n’en fais rien, & probablement il n’en ſavoit rien lui-même ; mais enfin il les a prédits, remarquez que le Taſſe a cela de particulier, que vous ne pouvez pas enlever de ſon ouvrage une ſtrophe, d’une ſtrophe un ſeul vers, & du vers un ſeul mot, ſans que le poëme entier ne s’écroule, tant il étoit précis & ne mettoit rien que de néceſſaire. Eh bien, ôtez la ſtrophe entière dont je vous parle ; rien n’en ſouffre, l’ouvrage reſte parfait. Elle n’a rapport ni à ce qui précède ni à ce qui ſuit ; c’est une pièce absolument inutile. Il eſt à préſumer que le Taſſe l’a faite involontairement & ſans la comprendre lui-même ; mais elle eſt claire. Il m’a cité cette ſtrophe miraculeuſe ; mais comme je ne fais pas l’italien, je n’ai pu être frappé de la place qu’elle occupe dans le poëme ; il m’eſt reſté ſeulement dans la mémoire qu’elle eſt dans le chant de la forêt enchantée, dans la bouche de Tancrède, ou à ſon occaſion, car il m’a cité le nom de Tancrède.

Comme il a vécu long-temps dans cet état, il a été aſſez généralement reconnu qu’il étoit devenu fou. Mais ſes amis & ſes ennemis ſe