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Loin d’être rebuté, comme ma femme s’y attendoit, & comme je l’avois eſpéré, il m’annonce qu’il veut faire du récitatif ; il ne s’agit plus des paroles d’un duo, mais d’une ſcène qui doit contenir la matière du récitatif, deux airs, & ſe terminer, ſi je le peux, par un duo. Je crus un moment qu’il vouloit me faire devenir fou. Je crois pourtant, pour lui rendre juſtice, qu’il étoit tellement emporté lui-même par cette ſaillie de compoſition, qu’il ne s’appercevoit pas de mon embarras, ſans quoi, je préſume qu’il en auroit eu pitié. Ma femme, toujours rieuſe à mes dépens, m’encourageoit de toutes ſes forces.

Très-familiariſé avec le roman de Daphnîs & Cloé, que j’avois lu un grand nombre de fois dans la traduction d’Amyot, j’eſpère y trouver ce qu’il me demande. Je relis l’ouvrage ; mais au lieu d’une ſcène, je lui trace le plan d’un opéra en deux actes, avec prologue & divertiſſement ; ce qui compoſoit quatre actes bien complets ; je lui porte mon plan. Comme il n’étoit pas difficile, il en eſt enchanté, &, frottant ſes mains, allons, me dit-il, à l’œuvre. Comment, lui dis-je, vous croyez de bonne foi que je vais vous l’exécuter ! Je vous l’ai préſenté pour vous engager à le faire vous-même dans le cas où il vous